Vous comptez visiter le Musée gallo-romain ? Mieux vaut réserver votre billet. Vous aurez la garantie d’avoir une place et vous éviterez une déception à l’entrée.

Fresques murales exceptionnelles

Comment intégrer des fresques murales exceptionnelles datant de l’époque romaine et découvertes il y a peu par des archéologues dans votre (nouvelle) présentation muséale ? Une occasion en or pour le Musée gallo-romain… Une histoire extraordinaire, qui se joue à Tongres…

Une image dynamique

Les fouilles archéologiques menées dans la Vermeulenstraat de Tongres (2007-2008) ont mis au jour de nombreux fragments de fresques murales, notamment une scène tirée d’un calendrier agricole unique dans nos contrées. Ce genre de calendrier indiquait, mois par mois, quelles activités agricoles avaient lieu au cours de l’année. Les tableaux ornaient les murs d’une pièce chauffée par le sol dans une maison urbaine (domus) de la fin de l’époque romaine. Celui-ci date de la fin du IIIe siècle ou du début du IVe siècle apr. J.-C.

Les fragments de la scène en question montrent un tas de choses : une villa avec une clôture, de la paille, un chariot à deux roues tiré par des bœufs, un personnage qui porte une cruche sur les épaules et les lettres « AVG » (août). Un autre fragment montre une personne (il manque la tête) vêtue d’une longue tunique. La scène donne une image dynamique de la vie quotidienne à Tongres et aux environs. Une véritable photo en couleur, mais qui date du IIIe/IVe siècle de notre ère.

Le Musée gallo-romain souhaite intégrer ces fresques murales exceptionnelles dans sa nouvelle présentation muséale. Mais il faudra s’armer de patience : avant la consolidation et la restauration, tous les fragments doivent être examinés. D’où viennent-ils ? Quel lien les unit ? Que représentent-ils ?

Il était une fois, il y a environ 2 000 ans…

Nous sommes au cœur d’Atuatuca Tungrorum (le nom de Tongres à l’époque romaine). Les rues sont tracées en damier. Les familles nanties vivent dans de grandes maisons urbaines. Elles ont adopté le penchant des Romains pour la décoration des sols et des murs, elles s’entourent d’objets de luxe et elles s’aménagent des maisons confortables. L’intérieur des premières maisons d’Atuatuca Tungrorum arbore parfois déjà des éléments décoratifs de style romain, comme des fresques murales. À mesure qu’ils s’enrichissent et se familiarisent avec le mode de vie romain, les citoyens aisés se mettent à construire des maisons qui se rapprochent de plus en plus du modèle romain, en accordant une attention particulière aux finitions. Les fresques murales, qui grimpent parfois jusqu’au plafond, apportent du cachet aux pièces principales, mais aussi au jardin ou à la cour.

La suite revient sur le déroulement du projet.

1/10/2007

Après deux fouilles menées par l’institut flamand du patrimoine (VIOE, désormais appelé « Agentschap Onroerend Erfgoed »), les archéologues effectuent une troisième fouille archéologique préventive dans la Vermeulenstraat de Tongres, à l’ouest de la rue cette fois. En effet, on s’apprête à construire un parking souterrain entre l’ancienne école de dessin et les actuelles archives de la ville. La zone à fouiller (335 m²) se situe à l’intérieur des enceintes de la ville romaine datant des IIe et IVe siècles. Une rue passait par là à l’époque romaine (Ier-IVe siècle apr. J.-C.).

L’équipe enthousiaste se compose de Kristien Borgers, Michiel Steenhoudt et Ellen Van de Velde, qui effectuent des fouilles pour le compte de la ville de Tongres. Six ouvriers communaux complètent l’équipe. Pour l’encadrement scientifique, l’équipe peut compter sur Geert Vynckier et Alain Vanderhoeven, deux archéologues rattachés à l’ancien VIOE.

11/10/2007

Eurêka (« j’ai trouvé » en grec ancien) ! Lorsque les archéologues commencent à creuser, ils trouvent parmi les vestiges d’une bâtisse datant de la fin de l’époque romaine non pas un morceau de plâtre coloré, mais des caisses entières ! Au total, ils remplissent plus d’une centaine de cageots de fruits d’une couche de fragments de fresques en couleur.

17/10/2007

Les archéologues creusent un niveau plus bas et découvrent encore du plâtre peint à son emplacement d’origine : contre les murs intérieurs, avec une amorce sur le sol en mortier. Il est désormais clair que les murs appartiennent à une habitation de ville datant de la fin du IIIe et du début du IVe siècle. Dans la couche située au-dessus du sol en mortier de la pièce, les archéologues découvrent de grandes quantités de plâtre richement décoré. Constat étonnant : les fragments sont à l’envers, la face peinte tournée vers le bas. Le mur s’est-il écroulé ?

14/11/2007

D’après le rapport, l’équipe consacre cette journée ensoleillée au nettoyage des fragments de plâtre. Les archéologues débarrassent avec précaution les fragments des résidus de terre.

1/04/2008

Les fouilles sont terminées. Les archéologues commencent l’inventaire et l’étude des vestiges et autres découvertes. Après des mois de travail, de recherches et d’étude, de discussions et d’interprétations, ils reconstituent ce qui s’est passé ici autrefois. Les résultats des recherches dépassent toutes les attentes. Une histoire se dessine…

Résumé de l’histoire

La moitié est du terrain fouillé est habitée pendant la période romaine. C’est encore le cas vers l’an 300 apr. J.-C. À cette époque, toutes les pièces font partie d’une maison urbaine à la décoration opulente, qui s’étend encore plus loin à l’est du site. La maison sera partiellement démolie à la fin de l’époque romaine. Après la démolition, les sols de la maison sont recouverts d’une couche de terre médiévale.

La zone ouest du site était une zone ouverte, qui accueillait des activités artisanales.

1/12/2008

L’équipe transmet à Hadewych Van Rechem, archéologue de la ville, les découvertes et les « archives » des fouilles « Vermeulenstraat 3 ». La ville conserve les découvertes archéologiques au dépôt du patrimoine. La documentation (plans de fouilles, dessins, rapports, photos, etc.) est transférée aux archives de la ville.

20/10/2020

Les dépôts du patrimoine recèlent de nombreux trésors… Celui de la ville de Tongres renferme la fresque représentant le calendrier agricole. Après toutes ces années, l’envie ne manque pas de travailler sur la fresque et sur toute la collection de fragments peints, après étude et restauration. Ne serait-ce pas une bonne idée de présenter ces découvertes plutôt exceptionnelles au grand public au Musée gallo-romain ? Le musée, l’archéologue de la ville Dirk Pauwels et l’archéologue Alain Vanderhoeven adhèrent au projet. Nous rassemblons l’ensemble des photos et des rapports des fouilles.

16/12/2020

Nous rassemblons le dessin du terrain et les photographies de la pièce où les fresques murales ont été retrouvées. Les dimensions de cette pièce seront essentielles à la reconstruction. Heureusement, le plâtre très altéré au bas des murs a été largement photographié in situ.

8/04/2021

Maintenant que toute la documentation a été rassemblée, le Musée gallo-romain évalue le potentiel de la découverte. Verdict ? Le Musée gallo-romain souhaite intégrer les fresques murales exceptionnelles dans la nouvelle présentation muséale. Oui, mais voilà… Nous disposons « uniquement » d’une foule de fragments. Pour pouvoir procéder à la consolidation et à la restauration, il faut d’abord faire examiner et étudier l’ensemble des fragments. Il faut chercher les différents ensembles, les étudier et les identifier.

À cette fin, le Musée gallo-romain souhaite faire appel au CEPMR-APPA (Centre d’Étude des Peintures Murales Romaines) de la ville française de Soissons. Il s’agit du seul centre (35 ans d’expérience) spécialisé dans les prélèvements professionnels sur le terrain, l’étude, la consolidation et la restauration des fresques murales romaines.

20/04/2021

Nous recevons une offre des experts en fresques romaines pour l’étude de tous les fragments. Concrètement, il est question de la recherche des assemblages, de l’identification et de l’interprétation des décors, de l’étude des aspects techniques et stylistiques des fragments, des photos et des reconstructions graphiques ainsi que d’un rapport d’étude. Cette étude permettra de mieux comprendre le contenu et de calculer correctement l’ordre de grandeur de l’ensemble et des parties. C’est essentiel pour prendre des décisions éclairées dans le cadre de la consolidation et de la restauration.

4/06/2021

Le collège des bourgmestre et échevins de la ville de Tongres confie l’étude au CEPMR-APPA.

14/06/2021

L’union fait la force ! Les collègues des archives de la ville, du service archéologique de la ville et du Musée gallo-romain s’associent. Ensemble, nous préparons le transport dans le dépôt externe des découvertes archéologiques de la ville de Tongres. Nous grimpons au sommet d’étagères industrielles pour trouver les bonnes boîtes contenant les fragments de fresques, les amener au niveau du sol, les répertorier et les vérifier. Le cas échéant, nous remballons les fragments. Nous empilons ensuite soigneusement les boîtes sur trois palettes et nous les attachons ensemble avec un film pour les empêcher de glisser.

26/08/2021

L’entreprise de transport désignée vient chercher trois palettes chargées de boîtes au dépôt du patrimoine de la ville de Tongres. Les palettes doivent à tout prix rester à l’horizontale, sans quoi les fragments de fresques risquent de glisser à l’intérieur.

30/08/2021

Les boîtes contenant les fragments de fresques arrivent à Soissons. Les coursiers les déchargent une à une au Centre d’Étude des Peintures Murales Romaines, aménagé dans une ancienne abbaye.

1/09/2021

Le projet paraît dans le Stadskrant de Tongres. Les habitants de la ville reçoivent ce journal dans leur boîte aux lettres les 1er et 2 septembre.

8/09/2021

Nous envoyons le contrat de prêt signé par le bourgmestre et le directeur général de la ville de Tongres à Sabine Groetembril, experte à Soissons. Elle nous le renvoie signé de sa main moins de dix minutes plus tard.

Quel suspense ! Quels résultats livrera l’étude ? Qu’est-ce qui rend cet ensemble de fragments si spécial ? À suivre…

Else Hartoch
coordinatrice recherche et bibliothèque
+ 32 12 67 03 61
else.hartoch@stadtongeren.be